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Vite, un débat public pour sauver la 5G

La 5G, réseau de la colère. Il devrait être porteur d'espoir, au lieu de quoi il suscite une inquiétude grandissante. Alors, si la France ne veut pas rater le virage de la 5G, elle ne peut pas faire l'économie d'un débat public sur le sujet.

Vite, un débat public pour sauver la 5G
Maxime Blondet - modifié le 02/07/2020 à 11h34

Antennes détruites et brûlées, théories du complot établissant un liant entre la 5G et la pandémie de Covid-19, fake news... Aujourd'hui, les anti-5G ne se contentent plus de lancer des pétitions ou de déposer des recours devant le Conseil d'État pour faire part de leurs inquiétudes et dénoncer les effets néfastes de la 5G sur la santé et son impact sur l'environnement. Et pour rajouter à la cacophonie, les politiques s'en mêlent.

Pour un débat public sur la 5G

Il y a quelques jours, dans une tribune accordée au journal Le Figaro, Martin Bouygues, le patron du groupe éponyme, maison mère de Bouygues Telecom, prenait tout le monde de cours et créait la surprise en demandant un report du processus d'attribution des fréquences 5G. Inattendue, cette requête a provoqué l'étonnement de l'Arcep, le régulateur des télécoms, et du gouvernement. Sans le dire clairement, l'un et l'autre ont repoussé cette demande d'un revers de main.

Il est permis de s'interroger sur les véritables raisons qui ont amené Martin Bouygues à créer un début de polémique. Mais, la saillie du patron de Bouygues Telecom a au moins le mérite d'ouvrir le débat sur la nécessité de la 5G, alors que "le pays se relève avec difficulté d'un terrible cauchemar sanitaire et économique". Il a été rejoint, lundi, par Grégory Rabuel, directeur général de SFR : "Avons-nous besoin de la 5G à court terme ? Ce n'est pas sûr". 

Lucide, Martin Bouygues constate que "la 5G suscite plus de méfiance et de scepticisme que d'engouement et d'enthousiasme". "Escamoter le débat public serait une grave erreur", prévient-il. On ne peut que lui donner raison. Sébastien Soriano, le patron de l'Arcep, qui a pourtant écarté l'idée d'un report du lancement de la 5G, abonde : "La 5G ne doit pas être vécue par nos concitoyens comme quelque chose de forcé, de poussé par un lobby contre l'intérêt des Français". Or, c'est exactement ce qui est en train de se passer. Si comme le dit Sébastien Soriano, la 5G doit se développer "comme un bien commun", alors, la France ne peut pas faire l'impasse sur un débat public sur la 5G.

Et, il y a urgence. Car, le lancement du réseau mobile 5G est attendu pour fin 2020 ou début 2021. Mais surtout, les anti-5G font feu de tout bois et ils ne se contentent plus de combattre le futur réseau mobile sur le terrain judiciaire. Avec la destruction d'antennes, ils ont franchi un cap. La colère gronde et il est du devoir de l'État et des opérateurs d'y mettre fin. Au risque de voir les Français passer à côté d'une technologie synonyme de progrès.

Pour rajouter à la confusion, la 5G devient un enjeu politique. Le sujet a d'abord gagné les bancs de l'Assemblée Nationale, où une trentaine de députés Les Républicains ont déposé à la mi-mai une résolution pour obtenir l'ouverture d'une "commission d'enquête sur le déploiement de la 5G". Selon eux, "il est indispensable de s'assurer que l'ensemble des conditions nécessaires à son déploiement soient remplies". Ils mettent en avant "l'absence de données relatives aux effets biologiques et sanitaires potentiels dans les bandes de fréquences considérées". Plus récemment, le débat sur la 5G s'est invité dans le débat des élections municipales. À Nantes, par exemple, où la liste socialiste de la maire sortante Johanna Rolland vient de fusionner avec la liste écologiste menée par Julie Laernos. Une alliance qui s'assortit d'une promesse de moratoire sur la 5G en cas de victoire, et un débat pour voir si le déploiement de cette technologie est opportun.

Car, c'est bien de ça dont il s'agit : donner la parole aux Français, leur demander tout simplement s'ils veulent de la 5G, ou au moins leur expliquer les bénéfices de la 5G, immédiats ou futurs,  et les rassurer sur les effets potentiels du nouveau réseau mobile sur la santé et l'environnement. Que les opérateurs parlent de la 5G, c'est d'une logique implacable. Que les politiques s'emparent du sujet, c'est aussi leur travail. Mais, il ne faudrait pas priver d'un débat auquel ils ont légitimement le droit. En l'attendant, la résistance s'organise via des pétitions ou des manifestations, comme le samedi 6 juin à Nantes.

Interrogé sur la 5G ce matin sur France Info, le premier secrétaire du Parti Socialiste, Olivier Faure se demande "si il y a toujours besoin d'aller plus loin, plus fort, plus vite, parfois au péril de la santé publique". "Nous avons parfois besoin de nous interroger avant d'avancer", poursuit-il. Sans le dire clairement, Olivier Faure approuve l'initiative de la maire de Nantes. Une initiative qui pourrait d'ailleurs inspirer d'autres élus au niveau local.

Quelles sont les inquiétudes autour de la 5G ?

D'après tout ce qu'on peut voir, lire, ou entendre, il y a trois motifs d'inquiétudes pour la 5G.

Le premier est sanitaire. Les anti-5G ont la conviction qu'il y a des effets néfastes sur l'homme et sur l'environnement. En témoigne le moratoire sur les dangers de la 5G demandé dès 2017 par une communauté de 230 médecins et scientifiques, ou encore le recours devant le Conseil d'État, déposé en janvier 2020 par les associations Priartém et Agir pour l'Environnement.

Le second motif est éthique, philosophique, voire même politique. C'est l'envie d'un autre modèle de société, qui ne se base pas sur les progrès technologiques. Une envie qui se manifestent parfois par des actions violentes. En France, comme dans plusieurs pays européens, les sabotages d'antennes-relais se multiplient et, dans de nombreux cas, la piste de l'ultra-gauche est privilégiée par les enquêteurs.

Des antennes relais sont détruites en signe de protestation contre la 5G

Le troisième motif est lié à certaines théories du complot, qui ne manquent pas de fleurir sur les réseaux sociaux et associent comme souvent les médias, les grandes entreprises technologiques et le pouvoir politique. Récemment, une fake-new associant la 5G à la propagation du Coronavirus s'est répandue comme une traînée de poudre, cette fois avec l'aide de groupuscules d'extrême droite, comme ce fut le cas dans certains pays.

Qu'en est-il des dangers de la 5G ?

Les réseaux mobiles sont accusés depuis longtemps déjà de provoquer des cancers ou de l'hypersensibilité. Et c'est encore avec la 5G qu'avec la 4G. Un réseau mobile responsable d'une pandémie, c'est du jamais vu !

Pourtant, rien ne semble justifier autant de fausses rumeurs, selon les opérateurs. D'abord parce que les fréquences de la 5G ne diffèrent pas fondamentalement des ondes de télécommunication déjà existantes et utilisées. Reconnaissons néanmoins que la bande des 26 GHz, qui sera utilisée à moyen terme par la 5G, n'a encore jamais été exploitée par les télécommunications civiles. Ce sont d'ailleurs ces fréquences qui concentrent le maximum d'inquiétudes.

L'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail), qui "manque de données scientifiques sur les effets biologiques et sanitaires potentiels" de la 5G, a identifié deux champs d'évaluation des risques distincts", correspondant aux deux nouvelles bandes de fréquences 5G, autour de 3,5 GHz et de 26 GHz. Elle précise néanmoins qu'elle "ne voit pas en quoi les signaux de la 5G seraient fondamentalement différents et plus dangereux que ceux de la 4G".

Quant à l'OMS (Organisation mondiale de la santé), elle a une position équivoque. D'un côté, elle classe les ondes électromagnétiques dans la catégorie des concérogènes "possibles" pour l'homme. Et, de l'autre, elle précise aussi que "la recherche n'a pas pu fournir de données étayant une relation de cause à effet".

Voilà pourquoi, les anti-5G demandent l'application du principe de précaution. Le principe est simple : tant qu'on ne sait pas, on évite. Sur le papier, ça se tient. Mais, sur le papier seulement. Car, les ondes 5G sont dans le même spectre que les autres, à l'exception de la bande des 26 GHz. Donc, si vous voulez stopper la 5G, vous stoppez aussi la 3G et la 4G, semblent dire les pro 5G.

Quant à l'argument de la menace pour l'environnement, il est motivé par une prétendue gourmandise de la 5G en termes de consommation énergétique. Or, les antennes de la 5G, sont des antennes intelligentes qui émettent un signal personnalisé à chaque utilisateur et uniquement en cas de besoin, ce qui représente un gain d'énergie considérable, avancent les industriels.

Dès lors, pourquoi autant de fausses informations circulent sur la 5G ?

On ne connaît pas encore les effets de la 5G sur la santé

Pourquoi les gens ont peur de la 5G ? 

"L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine, la haine conduit à la violence... Voilà l'équation". Cette citation d'Averroès illustre assez bien les actuelles turpitudes de la 5G, qui ont atteint leur paroxysme avec la destruction d'antennes mobiles.

Directeur de l'ANFR (Agence nationale des fréquences), Gilles Brégant a sa petite idée pour expliquer cette peur de la 5G. "Comme toutes les précédentes générations de téléphonie mobile, on a présenté la 5G comme quelque chose de très disruptif. Les communications commerciales en font trop et sont tout autant dans la pensée magique que la pensée complotiste", déplore-t-il sur le site Korii. "Pourtant, pour nous, la 5G n'est pas une révolution, c'est une évolution, elle ressemble beaucoup à la 4G". Dans un premier temps, du moins. "La révolution des usages, c'est pas avant 2023", disait malgré tout Jean-Paul Arzel, directeur Réseau de Bouygues Telecom, dans une interview exclusive qu'il nous avait accordé en juillet 2019. Ce discours mesuré, Bouygues Telecom est le seul opérateur à l'avoir tenu aussi clairement.

À en croire Gilles Brégant, la communication des industriels de la téléphonie autour de la 5G aurait donc été générateur de craintes. Un phénomène renforcé par le fait que, selon lui, "la plupart des gens n'ont pas la grammaire nécessaire pour comprendre les dernières innovations technologiques en matière de téléphonie mobile". Pour beaucoup, la 5G va apporter des débits plus rapides. Pour le reste, elle reste un concept encore abstrait et lointain. Et, ça l'est encore plus pour tous ceux qui vivent dans une zone blanche et n'ont pas encore accès à la 4G ou l'ADSL. 

Prenez ensuite une crise sanitaire particulièrement anxiogène, comme le Covid-19, dans un contexte de défiance à l'égard de tout ce qui représente le pouvoir, et vous avez tous les ingrédients pour cimenter une colère et voir émerger des théories du complot. "L'ingrédient principal de ces théories, ce n'est pas l'objet. C'est la colère politique adossée à un manque de connaissances fréquents", avance Richard Monvoisin, didacticien des sciences à l'université Grenoble-Alpes, spécialiste de l'étude des théories controversées, sur le site Korii.

Comment faire de la 5G une réussite ?

Ces derniers mois, la 5G cristallise une partie des préoccupations de la société. Ce n'est pas la première fois, ni la dernière, que le progrès technologique devient un enjeu polémique. Mais, entre l'optimisme béat de certains et le scepticisme à tout crin d'autres, il y a sans doute une voie médiane qui permet d'embrasser le progrès technologique tout en prenant les précautions nécessaires pour la santé et l'environnement. Ça vaut aussi pour la 5G. Mais, pour y arriver, il est nécessaire que les gens s’approprient cette nouvelle technologie. Rien ne se fera si la population n'est pas associée et n'adhère pas à ce changement majeur dans l'univers des télécommunications. In fine, c'est bien elle qui décidera ou pas de prendre un forfait 5G et de faire du nouveau réseau mobile une réussite. Cela passe par un débat public sur 5G, dans un climat apaisé bien sûr. Le lancement de la 5G étant prévu pour la fin de l'année 2020 ou le début de l'année 2021, il ne reste que quelques mois pour l'avoir. Mais, c'est à ce prix, et seulement à ce prix, qu'on sauvera la 5G du fiasco et qu'elle ne sera plus le réseau de la colère.

 

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